Olivier Bonville, vigneron visionnaire et véritable homme de conversation, nous parle de son histoire, de ses vins et de ses ambitions avec beaucoup de sincérité et de poésie.

 

Plus de Bulles : Quelles sont pour vous les 3 dates clés qui ont marqué l’histoire de votre Maison ?

 

Olivier Bonville : 1889 est une date à marquer à la craie blanche pour notre famille car elle symbolise le début de notre aventure familiale et de notre enracinement dans le vignoble. Cet amour de la terre, je le tiens de mon arrière-grand-père Alfred Bonville qui, malgré des périodes incertaines où beaucoup se désintéressaient d’une viticulture peu rentable, n’a jamais cessé de croire en la vigne. Dès son plus jeune âge, il encouragera d’ailleurs son fils Franck à persévérer dans cette voie. En 1938, l’histoire nous prouvera qu’il a eu raison car Alfred et Franck franchissent un cap en achetant une exploitation et en commercialisant leurs premières bouteilles. Et puis, il y a bien sûr, les années 80, période faste où la prospérité économique nous a permis d’effectuer les investissements nécessaires pour ancrer le Champagne Bonville dans la durée.

 

PdB : Quel est votre premier souvenir lié au champagne ?

 

Olivier Bonville : Il remonte à l’école primaire. A cette époque, à peine la classe achevée, je m’empressais de courir au pressoir pour voir les jus s’écouler. Le temps des vendanges a toujours été associé à un moment heureux, plein de retrouvailles avec toute la famille. J’ai toujours voulu travailler le vin, j’adore son odeur depuis le pressurage jusqu’à la dégustation. Je trouve que le sucre de la vigne se transforme de façon fascinante en différentes molécules odorantes et enivrantes. C’est un vrai ballet olfactif.

PdB : Qu’est ce qui fait la spécificité de votre Domaine et de vos vins ?

 

Olivier Bonville : C’est d’avoir l’intégralité de notre vignoble dans la Côte des Blancs. Aucune génération n’a jamais souhaité s’agrandir en dehors. L’énergie de ces beaux Chardonnays a besoin d’être domptée et guidée. C’est notamment pour cette raison que je souhaite élaborer des Cuvées avec beaucoup de fraîcheur mais qui soient également très riches, complexes et onctueuses. Nous pratiquons la fermentation malo-lactique sur toutes nos Cuvées ainsi qu’un vieillissement prolongé en cave, ce qui nous donne des vins frais et crémeux.

 

PdB : Quels sont vos différents rôles au quotidien ?

 

Olivier Bonville : Je suis revenu sur le Domaine en 1996 pour épauler mes parents jusque dans les années 2000. Depuis, je gère le Domaine seul, dans tout ce que cela implique, sous leur regard bienveillant. J’ai la chance d’être entourée par une équipe formidable, responsable et concernée.
Pour les assemblages, l’avis de mon père reste primordial, il ne le sait pas mais c’est un excellent dégustateur ! Mon équipe m’aide quotidiennement à faire évoluer la viticulture et les vinifications. Depuis 2011, nous avons par exemple choisi d’arrêter les insecticides et les désherbants. A écrire, cela tient en 10 mots mais à mettre en place et à réaliser correctement, croyez-moi, c’est une petite révolution !

 

PdB : Quelle est votre philosophie ?

 

Olivier Bonville : J’ai constamment besoin d’évoluer. L’expérience m’a démontré que l’on progresse beaucoup en période de crise. Le début des années 90 a été compliqué pour la Champagne, l’économie du pays était frileuse et les ventes plus faibles. Il valait mieux avoir un œil à l’export pour diversifier sa clientèle et apprendre à devenir moins dépendant des aléas d’un pays. Ça a été une transition délicate qu’il a fallu expliquer aux générations plus anciennes qui s’étaient habituées à avoir une clientèle d’amis, uniquement française, qui reposait principalement sur le bouche à oreille.

PdB : Votre souvenir d’un millésime mémorable ?

 

Olivier Bonville : 1976 et 1979 pour les plus anciens. 2002 et 2012 pour les plus récents. J’ai vécu la vendange dernière comme un millésime extraordinaire tant sur le plan de la qualité que de la quantité. Ces deux adjectifs sont souvent opposés mais pas pour 2018. C’était une année un peu magique. J’ai hâte de découvrir la suite en bouteille.
Quant à la vendange 2019, je vous dirai simplement que ce qu’il en reste est beau.

 

PdB : L’accord mets/vin qui vous fait vibrer ?

 

Olivier Bonville : Allez un peu de chauvinisme, le homard cuisiné par mon épouse sur notre cuvée Extra-Brut Millésimée 2012…Vous m’en direz des nouvelles !

 

PdB : Pourquoi avoir opté pour la certification HVE ?

 

Olivier Bonville : Ma préoccupation majeure est de voir les sols revivre, que les micro-organismes puissent travailler en nombre pour que nos terres retrouvent une autonomie de fonctionnement. Je sensibilise beaucoup nos clients à ces enjeux, c’est primordial.

PdB : En 2010 vos vins ont été choisis pour le dîner du Prix Nobel, qu’avez-vous ressenti ?

 

Olivier Bonville : Cela a été une véritable surprise et un véritable honneur car c’était aussi la première fois qu’un Champagne de Vigneron se démarquait face aux vins des Grandes Maisons. J’aurais aimé partager ce moment avec mes grands-parents car c’est le prolongement du travail qu’ils ont accompli.

 

PdB : Quel serait le meilleur moment pour déguster votre vin ?

 

Olivier Bonville : Le Champagne, plus c’est spontané, mieux c’est ! Pour la beauté de la scène, je vous dirai de vous laisser séduire par la Cuvée Les Belles Voyes aux pieds des vignes à une heure d’été avancée quand les galipes sont momentanément désertées… j’adore… Au-delà de ça, ce qui compte, c’est l’empreinte indélébile qu’un tel moment laisse en vous. Anselme Selosse et Dom Pérignon ont réussi ce pari. Ils ont su par leur aura et la beauté de leur discours nous emmener au-delà de la simple dégustation.

 

PdB : Pensez-vous qu’il existe une Champagne à deux vitesses ?

 

Olivier Bonville : Je le pense oui et je le crains aussi. D’un côté, on entend un discours politique officiel qui nous incite à tous œuvrer communément pour bénéficier d’une appellation forte, mais dans les faits, tout le monde n’arrive pas à valoriser ses marges, ses prix ou ses réseaux de distribution. On le fait en amont, en valorisant le prix de nos raisins mais pas encore assez en aval sur le produit final. Nous devons vendre mieux.

 

PdB : La Champagne dans 10 ans, vous l’imaginez comment ?

 

Olivier Bonville : J’espère qu’elle sera leader dans le domaine environnemental. Tout est mis en place par l’interprofession pour faire bouger les mentalités et donner l’exemple. J’imagine une Champagne verte qui continue à faire rêver le monde entier…