Nous ce qu’on aime chez Plus de Bulles ce sont les parcours atypiques et les destinées qui ne sont pas d’emblée toutes tracées. Delphine Boulard en est un parfait exemple. Ancienne architecte d’intérieure, elle décide un jour de revenir sur le Domaine qui l’a vue grandir. Rencontre avec cette « touche-à-tout » à la sensibilité exacerbée.

Delphine Boulard

Quel est votre premier souvenir lié à la vigne ?

« Je chéris le souvenir de mes balades dans le vignoble avec mon grand-père Raymond. A cette époque, je devais avoir à peine 12 ans. C’est lui qui m’a fait découvrir certains travaux comme le liage. »

Et pourtant, le métier de vigneronne ne s’est pas tout de suite imposé à vous ?

« En effet ! Avant de revenir sur le Domaine en 2003, j’ai eu une autre vie aux antipodes du métier de vigneron.  J’étais architecte d’intérieur et n’ambitionnais absolument pas de revenir sur le Domaine pour travailler aux côtés de mon père Francis. »

Quel a été l’élément déclencheur ?

« Après avoir travaillé pendant plus de 10 ans dans le même corps de métier, une certaine lassitude avait commencé à s’installer. Avec l’arrivée de mon premier enfant, j’ai eu envie de changer de rythme et de relever de nouveaux challenges. Voilà comment j’ai commencé à faire mes armes en Champagne ! Aujourd’hui, c’est une fierté pour moi de voir que nos sensibilités respectives ont permis de former un si bel univers où chaque chose se trouve à sa juste place. »

Votre métier en 1 mot, c’est …. ?

« Euphorisant ! Etre vigneron c’est quotidien, de jour comme de nuit. Pour le coup, je sais que je ne pourrai désormais plus jamais changer de métier. Aucune de mes journées ne ressemble à une autre, c’est une aventure dont on ne se lasse jamais je crois. Les vignerons ont de la magie à travers les doigts. Et quel merveilleux cadeau que de pouvoir voir l’aboutissement de son travail. »

Votre facette préférée du métier d’artisan-vigneron ?

« Je n’ai pas vraiment de poste de prédilection mais le plaisir de la vigne est bien là ! J’adore les voir pousser et m’imprégner de leur énergie, en particulier les jours moroses, c’est ressourçant. J’ai une relation fusionnelle avec elles. Elles sont capables de vous rendre au centuple ce que vous leur donnez. »

La philosophie

Comment se répartissent les rôles au quotidien ?

« Mon père est aujourd’hui un heureux retraité qui vit sur les bords de mer en Normandie. Chaque année, il prend le temps de revenir nous voir pendant les vendanges mais en tant que « promeneur » pour reprendre ses mots (rires). Il m’a laissé carte blanche. J’essaie de poursuivre son travail avec justesse et sensibilité.  

Depuis 3 ans, je suis épaulée par Yohann à la vigne. En 2020, mon mari, qui travaillait dans une société familiale de menuiserie, m’a rejoint sur le Domaine. Plus récemment, l’amour du métier a fini par gagner mon fils Quentin qui vient de reprendre une formation en viticulture à Avize. Mais cela ne me surprend qu’à moitié car mon père et mon fils ont toujours eu un lien très particulier.« 

Vous êtes en biodynamie depuis 2015, en quoi cela consiste-t-il ?

« Mon père a compris très tôt les bénéfices d’une viticulture saine tant sur la santé que sur l’environnement. Dans les années 2000, il a commencé à convertir une partie de ses vignes en agriculture biologique. J’ai bien sûr eu envie de poursuivre son engagement. Cela fait en effet 6 ans que la totalité du domaine (3, 50 hectares) est en effet certifiée en biodynamie.

Pour moi, la biodynamie, c’est une approche holistique de la viticulture au sein de laquelle chaque élément est essentiel et fait partie d’un Tout. Par exemple, nos sols ne sont pas de « simples » supports pour la vigne mais bien une source d’énergie qui rentre en interaction avec tout ce qu’il y a autour. »

Quels remèdes naturels utilisezvous ?

« Nous sommes à l’écoute de ce que la vigne demande au jour le jour. Nous nous adaptons en fonction de ses besoins quotidiens. Sur le Domaine, nous utilisons par exemple des préparations naturelles qui proviennent de matières végétales et minérales transformées que l’on appelle « des préparâts ».  Cela peut notamment être du compost de bouse MT, des préparations 500 et 501, des huiles essentielles ou encore des tisanes que nous pulvérisons à petite dose pour vivifier les sols et donner à la vigne des éléments naturels qui lui permettent de lutter contre la maladie. »

Les vins

Quel type de vin cherchez-vous à élaborer ?

« Des Champagnes purs et expressifs avec peu ou pas de dosage qui retranscrivent sans artifices le terroir dont ils sont issus. C’est ce que nous appelons « le sens du naturel ». Notre vignoble est situé en grande partie à Cormicy, au nord-ouest de Reims, dans le Massif de Saint-Thierry sur des terroirs siliceux calcaires. Ces derniers apportent à nos Champagnes une belle minéralité ainsi qu’une certaine tension. Nos Meuniers (40% de notre encépagement) s’épanouissent sur des sols argilo-calcaires, composés de glaise plus lourde. Ils présentent une aromatique plus souple et très intéressante à travailler. »

Vous parlez souvent de vinifications parcellaires et comparatives. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste cette méthode ?

« Nous vinifions chaque parcelle séparément pour pouvoir conserver toute la typicité d’un terroir. Le vin d’une même parcelle fait ensuite un passage en barrique. Petite particularité de la Maison : nous ne le faisons pas vieillir dans une seule et même barrique mais dans 5 ! Toutes sont originaires de Bourgogne et ont eu plusieurs vies avant d’arriver jusqu’à nous. Chacune à leur façon, elles vont donc apporter quelque chose de différent au vin. Une fois la phase de vieillissement terminée, nous sélectionnons la barrique qui nous offre la plus belle expression. Les autres seront utilisés comme vins de réserve et serviront à l’assemblage de notre Cuvée « Les Murgiers ». »

Qu’est-ce qu’un bon Champagne selon vous ?

 » Tout est une question de vibration. Un bon Champagne, c’est un vin qui matche avec vos goûts bien sûr mais surtout avec votre énergie du moment. Pour moi, les vins ont une âme. De façon plus générale, je dirais qu’inconsciemment, le vigneron transmet sa façon d’être aux vins.

Quand je déguste un vin, si je le trouve austère, je perçois que c’est un trait de personnalité de son créateur. Quand mon père est parti, nos clients nous ont fait remarquer que nos vins avaient changé. Les professionnels avec qui je travaille également. Ils y perçoivent plus de sensibilité sans vraiment pouvoir l’expliquer. « 

Vous avez également des chambres d’hôtes. Comment réussissezvous à tout conjuguer ?

« Oui nous en avons deux qui peuvent accueillir jusqu’à 6 personnes. Nous y associons même des dégustations. C’est Matthieu, mon mari, qui s’en occupe. C’est l’avantage du travail en famille. Et nous avons déjà plein d’idées en tête pour les prochaines années. Léonard de Vinci avait bien raison quand il disait que le mouvement était le principe de toute vie ! »

La cuvée Petraea

Vous avez appelé une de vos Cuvées « PETRAEA » qui signifie « chêne » en latin. Est-ce un hommage à la vinification sous-bois ?

Un joli clin d’œil en tous cas. Mon père a commencé le travail en barrique en 1997. Avant, il n’utilisait que des cuves en inox mais il trouvait qu’il manquait véritablement quelque chose à ses vins. C’est comme ça qu’il est devenu le premier client de la Tonnellerie Artisanale de Champagne ! J’ai moi-même beaucoup d’affinités avec les barriques. Je trouve qu’elles ont une sensibilité particulière et une aromatique différente qui viennent apporter plus de complexité et de profondeur à nos Champagnes.
⇒ Pour découvrir les vins de la Maison, c’est par ici : https://www.plus-de-bulles.com/fr/francis-boulard-fille