Les rêves donnent du travail et quand on rêve de faire souffler une brise bourguignonne au sein d’une Maison de négoce familiale ancrée dans les traditions, cela demande un peu d’audace et de détermination. Mais c’était sans compter sur la ténacité de Thomas Lombard, 27 ans. Revenu sur le Domaine en 2017, d’abord en tant que Chef de produit et Responsable Amérique du Nord, ce Diplômé d’Agrosup Dijon* est aujourd’hui Directeur Général de la Maison Lombard. Rencontre…

Plus de Bulles : Comment s’est déroulée la transmission avec votre père ?

Thomas Lombard : De façon très naturelle, je dirais. Les 3 premières générations ont dirigé la Maison avec une vision représentative des belles traditions de la Champagne. Elle a porté différents noms : la SAME (société anonyme de Magenta Epernay), puis Champagne Lombard & Cie pour enfin devenir Champagne Lombard.

Aujourd’hui une vraie métamorphose s’opère. J’ai toujours beaucoup échangé avec mon père Thierry. Quand je lui ai fait part de ma volonté d’inscrire la Maison dans une vision « vins et terroir », il a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et m’a pleinement fait confiance.

 

PDB : Avez-vous toujours espéré reprendre les rênes du Domaine ?

T.L : J’ai toujours grandi dans l’univers de la Champagne… mais je ne suis pas né avec la volonté de reprendre un Domaine familial. C’est mon vécu et mes expériences qui m’y ont naturellement conduit.

J’ai évidemment beaucoup de souvenirs d’enfance liés à mon Domaine. Pendant ma scolarité, j’ai toujours passé une partie de mes vacances en cave ou aux vignes. J’ai réalisé mes premières vendanges à 9 ans et participé à la plantation de notre parcelle à Épernay à 14 ans. J’aimais beaucoup quand mon père m’emmenait contrôler les ferments les weekends avant les tirages du lundi.

Au début de mes études supérieures, j’imaginais que mon expérience professionnelle commencerait en dehors du Domaine familial. C’est d’ailleurs ce que mes professeurs m’avaient conseillé.

Finalement, les idées autour de ce projet « vins et terroir » ont pris forme très rapidement et c’est devenu pour moi une évidence d’y participer à 100%. Un choix dont je suis entièrement satisfait aujourd’hui : ce projet m’obsède au fur et à mesure que je découvre la richesse de ce métier.

 

 

PDB : Vous évoquez un remaniement dans la philosophie de la Maison. Quel est-il ?

T.L : A partir des années 2000, mon père a initié une politique d’approvisionnement qualitative orientée en Premiers et Grands Crus. Nous avions de très beaux raisins à notre disposition ce qui nous a amené à nos premiers essais en vinification parcellaire. Par contre, notre image de marque était restée très ancrée dans la Champagne traditionnelle.

Nous nous sommes alors posé la question suivante : que doivent refléter les vins Lombard ? Avec les cadres de la Maison, nous avons rapidement partagé une vision similaire, une vision « vins et terroir ». Nous avons donc amorcé des changements conséquents pour que nos Cuvées incarnent cette nouvelle vision : faire découvrir la Champagne par ses terroirs grâce à des vins mono-crus et parcellaires peu ou pas dosés.

Aujourd’hui, l’ambition de nos vins n’est plus de faire découvrir le goût d’une Maison mais bel et bien l’identité d’un terroir. Nous élaborons aujourd’hui des vins plus minéraux, plus tendus, denses et sapides. En tant que Maison de Négoce, je dirais que le Champagne Lombard est précurseurs en la matière.

 

PDB : Selon vous, qu’est ce qui fait la spécificité de votre Maison ?

T.L : Notre relation privilégiée avec chacun de nos viticulteurs partenaires. Nous entretenons avec eux des partenariats de proximité, d’autant plus que l’approche parcellaire de nos vins consiste en une mise en lumière et valorisation de leur travail.

La Champagne offre une immense diversité de terroirs. La particularité de la Maison est d’explorer cette diversité avec des Champagnes mono-crus et parcellaires. Et pour se rapprocher au plus près de ces identités de terroir, nos Champagnes sont Brut Nature. En Champagne, sur les 300 millions de bouteilles expédiées chaque année, moins d’1 million sont Brut Nature : il s’agit donc d’une réelle conviction de notre part.

 

PDB : Le Champagne a-t-il une dimension spirituelle ?

T.L : Si par spiritualité vous entendez « porteur d’une vibration » alors oui je le pense. Il y a une histoire, une vision, une philosophie derrière chaque vin. Quand on consomme une bouteille de vin, c’est très agréable d’imaginer l’Homme prendre soin de son terroir et choyer ses vins en cave. Les vignerons et Maisons qui élaborent des grands vins avec passion sont dans un processus de création : quand vous dégustez ce type de vin, ça doit déclencher une vibration, une émotion. C’est ça la finalité de notre travail.

 

PDB : A qui s’adressent vos vins ?

T.L : Indéniablement aux curieux épicuriens qui consomment le vin de Champagne dans une dimension de découverte et de gastronomie.

 

PDB : En dépit du contexte actuel, l’export restera-t-il une de vos priorités ?

T.L : Oui assurément. Rétrospectivement, on s’aperçoit que la Champagne a déjà vécu des crises, des guerres et des épidémies…et elle est toujours là ! J’espère que le contexte anxiogène dans lequel nous sommes actuellement tous plongés restera éphémère. J’imagine qu’il y a deux scénarios possibles. Soit le confinement aura créé de la peur et de la réticence à consommer soit au contraire, une fois sortis du confinement, les gens voudront à nouveau pleinement profiter de la vie et quoi de mieux qu’une bouteille de Champagne pour célébrer notre victoire sur ce virus ? Je préfère être optimiste et croire au second scénario.

 

PDB : Sans trop en révéler, quelles sont les grandes lignes stratégiques pour la Maison d’ici les 3 à 5 prochaines années ?

T.L : Continuer à renforcer notre relation vignoble en échangeant régulièrement avec nos partenaires tout au long de la saison culturale et après la vendange : c’est la clé pour valoriser leur travail et nos vins.

Et parallèlement, nous allons déployer une nouvelle stratégie de communication. La voie que nous empruntons est inédite et nous nous devons de l’expliquer clairement à nos clients. Quand je fais visiter la Maison Lombard, je remarque très souvent les visages surpris de mes visiteurs qui n’auraient jamais imaginé tout le potentiel de la Maison. Cette prise de conscience a plus grande échelle est le réel défi de notre stratégie de communication.

 

PDB : Qu’est-ce qu’un bon Champagne ?

T.L : Celui qui vous correspond. C’est important de savoir ce que l’on aime ou non. Je crois qu’il faut apprendre à se faire sa propre opinion et ne jamais se laisser influencer par les autres. Un bon Champagne c’est celui qui laisse son empreinte sur vous.

 

PDB : La Champagne dans 10 ans, vous la rêvez comment ?

T.L : Indéniablement plus riche de diversité, avec un changement de perception de la part des consommateurs. Beaucoup de jeunes vignerons sont entrain de reprendre les rênes de leur Domaine familial avec l’ambition d’élaborer des Champagnes atypiques qui mettent en avant leur terroir. Je pense que ces acteurs participeront à une redécouverte de la Champagne en tant que terre de vins.

*(ndlr : Mastère Spécialisé Connaissance et Commerce International des Vins)