A l’entendre raconter l’histoire de ses ancêtres, les frissons montent. Son ton est posé, sa voix calme. Erick ne cherche pas ses mots.

 

« Celui qui oublie ses racines n’atteint jamais sa destination  »

 

« Notre histoire viticole remonte à la Première Guerre Mondiale. Elle a véritablement commencé avec Manuel de Sousa, mon grand-père, un Poilu originaire du Portugal. A cette époque, la France était alliée à 85 pays, certains envoyaient de l’argent, d’autres des hommes de troupes pour mener le combat. Manuel faisait partie de la seconde catégorie. Mobilisé sur le territoire de Verdun, il aura réussi à passer à travers les balles du camp adverse. Quand la fin de la Guerre sonne, il retourne brièvement sur ses terres natales, pour récupérer sa femme et son nouveau-né avant de les mettre à l’abri à Avize ».

Mais en 1929, le sort le rattrape et Manuel décède brutalement d’une tumeur au cerveau causée par l’inhalation de gaz mortels pendant la guerre. Il laissera derrière lui une veuve et 4 enfants.

Les années passent, son fils Antoine grandit et se lie d’amour à Zoémie Bonville, la fille d’une vieille famille de vignerons du village, qu’il épousera. Elle a apporté des terres et lui son nom. Ainsi naît le Champagne De Sousa. En 1986, à tout juste 23 ans, Erick, le fils d’Antoine, reprend les rênes du Domaine et est aujourd’hui devenu un des Artisans Vignerons phares de sa génération.

 

 

« Même quand les temps étaient difficiles, mes parents parlaient de leur métier avec passion »

 

« Je ne me suis jamais senti forcé de devoir reprendre le Domaine, je crois que je suis tombé amoureux de la terre et du métier depuis mon plus jeune âge. Le lycée viticole n’était pas très loin, ça m’a paru naturel et évident. Mes parents parlaient toujours de leur métier avec passion et bienveillance même quand les temps étaient difficiles. J’ai beaucoup de petits souvenirs de cette époque, j’aimais beaucoup quand les clients venaient à la maison acheter leurs bouteilles ». Qu’on se le dise, si Erick De Sousa n’était pas devenu vigneron, il aurait de toutes façons exercé un métier d’artisanat et de goût dans lequel la maîtrise des gestes et la précision auraient été impératives.« Peut-être maître chocolatier » avoue-t-il avec sa voix chaleureuse.

 

« L’esprit de famille »

 

Erick a transmis sa passion et le sens des responsabilités à ses 3 enfants, qui ont pris le temps de voyager avant de revenir sur le domaine. « Voyager est enrichissant, épanouissant et indispensable à l’ouverture d’esprit. Notre métier exige d’avoir plusieurs cordes à notre arc. J’estime que nous restons un petit Domaine. Nous sommes donc tous assez polyvalents mais chacun a son expertise. Julie, la cadette, aime travailler à la vigne, sa sœur Charlotte excelle dans la partie commercialisation et Valentin m’aide à orchestrer la partie vinification. Par contre, nous prenons toutes nos décisions de façon collégiale.On aime se retrouver à table pour échanger. Nous organisons par exemple des dégustations tous ensemble en fin de semaine, on est attentif, les sens en éveil, on échange beaucoup sur la qualité des vins et la direction à leur donner ».

 

Accepter d’être au service du Temps

 

Et par temps comprenez avant tout « météo » car cette notion revêt une importance toute particulière pour celui qui travaille son vignoble en biodynamie depuis 1999 et a obtenu la certification bio en 2010.

« Façonner des vins d’exception prend du temps même quand toutes les conditions sont réunies. Je suis fasciné par les sols, les sous-sols et tous ce qui les composent. Tout ce qu’on ne voit pas. Le sous-sol d’Avize est exclusivement composé de craie et ce sur 300 à 400 mètres de profondeur. Nos vieilles vignes, âgées entre 60 et 80 ans, qui viennent puiser dans ce sol, possèdent des racines appelées pivots, qui au bout de dizaines d’années descendent de 25 à 30 mètres de profondeur pour extraire tous les sels minéraux et oligo-éléments nécessaires à leur épanouissement. Lorsque l’enracinement est profond, le goût de terroir est plus fort que celui du cépage. Plus la racine est profonde, plus elle est loin des engrais, plus elle extrait les éléments nutritifs du terroir, garants de la qualité des raisins ».

 

« Savoir travailler en osmose »

 

Homme de terre et de science, Erick a même baptisé une de ses cuvées « Mycorhize » en hommage à ce champignon qui se trouve autour des racines de la vigne.

« C’est un peu la courroie de transmission entre la racine et le sous-sol. Tous les plantes sur Terre sont mycorhizées. La Truffe en est le plus bel exemple ! La racine seule ne peut pas dissoudre la craie, ce sont les champignons qui œuvrent pour permettre à la vigne de se nourrir. Voilà pourquoi, nous ne recourrons pas au tracteur car il asphyxie les racines ».

 

« Le choix de vinifier exclusivement sous chêne »

 

« Nos vieilles vignes nous offrent des rendements plus faibles mais de meilleure maturité. Nous devons sublimer ce que la Nature nous offre. Nous avons choisi de vinifier les vieilles vignes sous chêne car les tanins du bois du chêne viennent magnifier nos vins et leur apporter des arômes très particuliers. Nous restons vigilants à ce que le vin reste plus fort que le bois. Le fût de chêne est un peu à l’image des épices en cuisine, elles doivent sublimer un plat et non le gâcher en prenant le dessus ».

 

« Le Millésime 1988 est à marquer à la craie blanche »

 

Il incarne son plus beau souvenir de Millésime. Une météo fabuleuse pour tout le vignoble français. Des raisins à point, des vendanges fin septembre qui ont offert des vins d’une rare finesse et délicatesse. Quelques précieux flacons sont précieusement conservésdans l’œnothèquefamiliale afin de garder une trace de tous ces vins magiques.

 

L’Instant De Sousa ? 

 

A l’image du Champagne, pour Erick « L’Instant de Sousa » est multiple. « Le Champagne est un vin caméléon. Il y a des « Champagnes de fête » qui ne sauraient être associés qu’à une gastronomie de haute voltige et des « Champagnes de convivialité » que l’on peut déguster à l’apéritif, entre amis, avec des tapas par exemple ».

Si l’on en vient à parler gastronomie, les 2 plus belles harmonies culinaires qui lui restent en mémoire sont indéniablement un Comté affiné de 36 mois avec un vieux Champagne de son œnothèque et l’alliance ineffable d’une langouste à sa Cuvée Umami, un mot japonais au sens universel pour désigner la 5èmesaveur qu’Erick a rapporté d’un de ses voyages au Japon. Une sensation indescriptible à l’image de ses vins…