Depuis presque 30 ans, Antoine Malassagne incarne avec sa sœur Anne l’âme de la Maison A.R. Lenoble. A l’image de l’énergie qu’il dégage, notre échange se veut sincère et généreux. Des qualités qu’il juge intrinsèques pour évoluer dans l’univers du vin. Rencontre.

L’homme

Delphine Boulard

Le vin, une vocation ?

Pas vraiment, non.

« Mon père était fils de vigneron et a fait le choix de devenir médecin. En 1973, il décide de racheter la Maison de son grand-père maternel, Armand Raphael Graser. Il en fera sa danseuse[1] viticole ». Sollicité durant son enfance pour prêter main-forte aux vendanges, le jeune homme n’ambitionne pas pour autant de devenir vigneron. Lui préfère suivre des études d’ingénierie dans la chimie et faire carrière dans le monde agricole.

[1] Expression française du XVIIIème siècle qui signifie « consacrer beaucoup de temps et d’​argent pour réaliser quelque chose que l’on aime ».

La résilience made in Malassagne

 Son retour sur le Domaine en 1996 se fait donc presque par hasard.

« A cette époque, je travaillais dans l’industrie pharmaceutique. Anne et moi venions d’apprendre que notre père était malade. Il a alors évoqué l’idée de vendre le Domaine qu’il affectionnait tant. Pour nous, c’était inenvisageable. Cette Maison devait rester familiale et indépendante.  

Ma sœur et moi nous sommes donc lancé un beau pari : la reprendre sans être du métier. Les rôles se sont répartis naturellement. Le chemin a été difficile, c’est vrai, mais je crois que c’est le lot de toute entreprise. Je ne regrette absolument pas ce choix ».

Aujourd’hui, ce quinquagénaire sportif joue son rôle d’homme-orchestre à la perfection et se définit comme l’archétype même du patron de PME en permanence sur le feu. « Je me dois de savoir toucher à tout mais je ne peux être partout tout le temps. J’ai donc très rapidement appris à m’entourer de collaborateurs clés ! Croiser les regards et accepter qu’il y ait un temps pour chaque chose a été salvateur » nous dit-il en souriant.

« Au moment des assemblages, je ne déguste jamais seul. Je déteste ça ! Je préfère être accompagné par mon responsable de cuverie et un œnologue expert qui garde un œil impartial sur la Maison ».

La philosophie

Les challenges de l’AOC Champagne

Quand on lui demande quel état des lieux il dresse de l’AOC Champagne, Antoine se montre éclairant.

« L’urgence est double. Sur la partie production, nous devons bien sûr continuer de tendre vers une production vertueuse. Le bio est une partie de la solution mais il ne pourra à lui seul répondre au changement climatique. Seul un ensemble d’actions menées simultanément le permettra. Nous nous devons d’inventer un nouveau modèle de viticulture. La science et les nouvelles connaissances nous y aideront. Utiliser la chimie à meilleur escient pourrait également être très intéressant. Beaucoup de gens ont peur de ce mot alors que les bio aussi l’utilisent.

 Se pose également la question du positionnement « Champagne » que nous devons faire évoluer. Il est évident que notre vin doit rester un symbole de festivités et de célébration. Mais c’est également un grand vin blanc à bulles. Grand dans le plaisir et le partage qu’il procure. Prenez un beau verre à vin, ouvrez une bouteille et vous verrez que même une journée banale et triste finit par se colorer. C’est ça la magie du Champagne, c’est mettre spontanément de la lumière dans nos moments de joie et d’obscurité ».

Les spécificités du Domaine

Guidé par une volonté de fer et de fortes convictions, Antoine opère dès le début des années 2000, des choix clivants en matière de viticulture et de vinification. Alors que son père était en viticulture intensive, le vigneron opte pour une conduite du vignoble plus raisonnée. Sans compromettre les récoltes, il se met à enherber ses vignes et à arrêter les herbicides. En 2012, il obtient la certification HVE.  Côté chai, le Chef de cave met en place une approche parcellaire des vins. Ces derniers sont ensuite stockés dans des cuves en inox thermo régulées, des fûts de 225l et des foudres de 5 000l pour une fermentation maîtrisée et épurée.

 

De leur côté, les vins de réserve, qui représentent l’équivalent d’une année de production, sont conservés selon le principe de la réserve perpétuelle. Chaque année, une partie de la vendange, vient rafraîchir cette réserve, le solde servant de base à l’assemblage. Depuis 2010, cette réserve est en grande partie conservée en magnum sous liège pour une durée minimum de 4 ans. Pour Antoine, ce contenant permet de mieux protéger les vins de réserve de l’oxygène toute en gardant l’aromatique et la fraîcheur.

Le style AR Lenoble

Chacun de ces grands détails a contribué à définir le style AR Lenoble.
« Complexité, vinosité, fraîcheur et gourmandise, c’est mon quatuor gagnant ; sans pour autant oublier de travailler le côté aérien, léger et pêchu. Un Champagne doit être le reflet de ces deux dimensions. Notre Blanc de Noirs en est un bel exemple. C’est un 100% Pinot Noir atypique qui s’assume pleinement. Il exhale à la fois des notes fruitées et toastées tout en offrant un côté salin et une très belle finesse. C’est beau, c’est simple et ça accompagne merveilleusement bien une volaille. Je ne fais pas des vins pour plaire à la presse, je fais simplement des vins que j’aime. Et je les préfère avec du caractère ».

« Un bon Champagne est un vin qui donne du plaisir aux gens et qui appelle à un deuxième verre. Je ne cherche pas à ce que mes Champagnes soient intellectualisés mais ressentis à travers chaque sens »

Un dernier mot pour nos lecteurs Antoine ?

« La Champagne n’a pas nécessairement besoin de révolutions mais d’évolutions fortes et constantes. Cela passera à mon sens par la force du collectif »

Pour découvrir le Domaine en chiffres, c’est par ici => https://www.plus-de-bulles.com/fr/133-champagne-ar-lenoble/c/le-champagne-ar-lenoble-en-chiffres

 Et les vins de la Maison A.R. Lenoble => https://www.plus-de-bulles.com/fr/133-champagne-ar-lenoble